Translate

lundi 6 septembre 2010

To be or not to be... régate ou pas régate...

Ça branle dans le manche suite à une invitation du voilier qui mouille juste à côté de nous à Tyrell Bay, Carriacou. Il s’appelle Sin of Sark, il a un nom difficile à mémoriser, je vais donc l’appeler Mikado car c’est un Mikado (apparemment c’est une sorte de voilier bien connu) qui a 2 mâts, 4 voiles et plus de cordages qu’il n’en faut pour m’attirer.






Moi, l’aventurière qui n’a pas toujours le goût développé de l’aventure, même parfois qu’on pourrait m’appeler Miss Prudence… n’a pas tellement envie de se faire brasser le popotin et les intestins dans une course ridicule autour de bouées colorées. Et en plus, le ciel prévu pour cette course est autant à l’orage que le poisson est au sushi. Voir que je vais aller me faire doucher en tirant sur des bouts de cordes, essayer de me jeter sur un winch à la vitesse grand V, garantie absolue  de m’éreinter… tout en m’agrippant à tout ce que je peux essayer d’attraper de stable sur un bateau en gîte trop prononcée pour apprécier le paysage. Non et non! Qui a besoin d’un stress pareil… mon chum peut bien y allé si ça l’intéresse, moi je n’embarque pas. Je vais rester bien à l’abri, à bord de Toutazimut pendant que ces espèces de marins dingues iront se farcirent un temps de canard.                                                                                     
                                                                  Clarice à la barre

 
Mais voilà, comme je souffre d’influençabilité aigüe accompagnée d'un p'tit brin d'aventure, je me laisse évidemment embarquer dans cette galère...




















Nous sommes sept à bord incluant le capitaine, son épouse (comme dans la chanson des Joyeux Naufragés...), un jeune marin français (genre d’officier en second), deux québecois sans expérience de voile mais avec beaucoup d’expérience de plongée?? Et nous deux bien entendu. Le jour-J arrive et finalement, le stress ressentis la vieille fait place à l’excitation! Je me surpends!

Le capitaine Dominique assigne les tâches et rôles de chacun. Je suis responsable avec Diane (la sympathique plongeuse québecoise) des écoutes de la « trinquette » qui est une petite voile située entre le génois et la grande voile ainsi que du chariot de grande voile. Clarice, l’épouse du capitaine, est responsable de Diane et moi; elle doit veiller à ce que tout roule, une vraie môman! Benjamin (comme son nom l’indique; le benjamin du groupe) et Guy sont responsables des écoutes du génois. Ça prend du muscle et de la rapidité… Guy est taillé sur mesure pour cette tâche! Richard (le plongeur québecois pur laine, aussi sympatique que sa douce) est responsable de l’écoute et du chariot de l’artimon (affectueusement appelé le Petit Moron !!! ) et là je précise que Petit Moron fait référence à l'artimon…C’est une autre voile située à l’arrière du voilier. Ciel que ça fait beaucoup de voile…



La course démarre, le soleil se pointe, hé oui, pas de méchants nuages pour le moment! Le capitaine crie des ordres, l’équipage s’exécute avec brio, on apprend vite tout en rigolant! Tout baigne. Le moral est au beau fixe. Il y a des bateaux partout et je ne comprends rien à qui coure contre qui, tout ce que je peux affirmer, c’est que nous allons tous dans la même direction! C’est déjà ça! Il y a des bouées un peu partout et on doit en faire le tour le plus rapidement possible.

Et là, le ciel se couvre, et le vent passe de quinze à trente nœuds… on passe un concurrent, on effectue un virement de bord, la gîte est de plus en plus importante, on passe une bouée, d’autres virements de bord, la pluie se met à tomber, encore une bouée, d’autres virements de bord, on navigue sans voir grand horizon, il pleut des cordes… notre capitaine ne semble pas s'inquiéter pour si peu...

Nous sommes tous trempés et il semblerait que nous sommes en bonne position dans la course. Dix minutes plus tard, nous sommes toujours trempés, mais il semblerait que nous sommes derniers??? Tout ça pour illustrer que nous ne comprenons absolument rien à la course. Notre compréhension se limite à border ou choquer les écoutes… mouillés comme des poules, pardon, des vrais marins...



Bref, après quelques heures de navigation, plusieurs virements de bord, trempés jusqu’aux os, la ligne d’arrivée approche enfin, on gîte à fond, et on passe un concurrent si prêt qu’on pourrait presque lui serrer la main! C’est excitant! Nous sommes tous fiers de ce dépassement que nos hurlements de joie accompagnent!





Et là, hé bien c’est là que ca se gâte… L’attache de l’enrouleur du génois choisis ce moment inopportun pour se décrocher et arracher une partie du balcon avant (tuyau de stainless de 1’’ de diamètre sectionné et tordu). Il faut imaginer le génois tout entier qui s’envol comme un projectile, cependant toujours attaché au sommet du mât, pour ensuite venir terminer sa course et frapper violemment la coque sur le côté tribord du bateau, frôlant de peu la catastrophe. Ouf! Heureusement, plus de peur que de mal, tout le monde va bien et aucun blessé. Il va s’en dire que nous n’avons plus aucune chance de franchir la ligne d’arrivée…

Priorité sécurité : nous devons nous rendre à moteur à l’abri du vent afin de retirer le génois de son enrouleur. Les gars tendent de maintenir ce gréement volant jusqu’à ce qu’à ce que l’on atteigne un baie tranquille, à l’abri du vent, tout près de la ligne d’arrivée... Sur place, le génois est affalé (descendu), enlevé et plié, mission accomplie, mais enfin, nous sommes tous un peu tristes de ce revirement soudain.

Nous allons donc regagner l’ancrage à moteur, peinards, trempés et gelés. Mais en bonne compagnie, le moral remonte vite! Clarice, nous a préparé une bonne bouffe et s’occupe de nous réchauffer les esprits avec ses cocktails mirobolants. Il y en a d’ailleurs un que nous avons baptisé « le Mikado ». Succulent mélange de rhum, lime et sirop de gingembre. Est-ce assez antillais à votre goût? Et nos quebecois pur laine essaient de placer un mot pendant avec un Guy qui s'articule sans arrêt...

En fait, je vous raconte toute cette aventure de régate pour finalement illustrer qu’une course est un excellent moyen pour apprivoiser ses craintes. On navigue avec plus de voile que d’habitude, avec plus de gîte que d’habitude et dans des conditions pas toujours idéales, ce qui permet de repousser un peu plus loin nos limites.

Pour ma part, cette régate m’a donné envie de lever les voiles et pratiquer des manœuvres que l’on ne fait pas souvent en passage ou traversée. Par conséquent, nous avons pour la première fois, rentrer à voile dans notre ancrage et jeter l’ancre sans moteur. Uniquement à voile! Trop cool!

Il faut préciser que nous n’avions pas de bateau voisin, ce qui aide à la manœuvre, surtout pour une première! Mais quand même, nous sommes très fiers et avons réussis.

Nous remercions nos amis du Mikado, Dominique et Clarice, qui nous ont permis de participer à une régate et de vivre un peu les défis d’une course amicale.

                                           Je trinque mon cocktail Mikado à « To be! »